COMMEMORATION 85° ANNIVERSAIRE GENOCIDE 1932/33 A LYON

Tuesday 28 November 2017.
 

Prise de parole, de Mykola CUZIN, Président du Comité UKRAINE 33, pour la 85° Commémoration du GENOCIDE de 1932/33 en UKRAINE - le 25 Novembre 2017 à LYON

Vacillant, il alla à l’intérieur de la maison. Son apparence vide , la saleté et la respiration à peine perceptible de sa mère lui parurent sauvages, terrifiantes. L’air était comme de l’eau stagnante - il avait l’impression que c’était la puanteur de la bouche qui inondait la maison. Vassurenko s’arrêta et s’accrocha au jambage de la porte ; toute la maison devint noire et s’éloigna de lui. "Maman !" prononça-t-il. La malade tourna à grand peine la tête. Les yeux indifférents, comme coagulés, le contemplaient depuis un visage jaune, presque bleu ; au -dessus des yeux, les cheveux gris emmêlés tombaient, formant un pique, et au milieu de sa figure s’ouvrait le trou noir de sa bouche ouverte. Vassurenko eut l’impression que sa mère regardait par la bouche et non par les yeux. Rien ne lui rappelait sa mère, ni sa vie, ni ses préoccupations, ni son travail. Tout était étranger dans ses rides, son nez pointu et dans les fils qui tombaient de ses épaules, le long de son corps à la place des bras.

Monsieur le Consul général d’Ukraine Mesdames et Messieurs les Elus Messieurs les Représentants de l’ODNM Mon Père, Chers amis,

Les événements relatés ici ne datent pas de 1932-33 mais de 1921-22, lorsque l’Ukraine fut mise à genoux par une première famine pour avoir voulu recouvrir son indépendance au sortir de la révolution de 1917. L’auteur de ces lignes, extraites du roman Fils, est Valerian PIDMOHYLNY. Arrêté en 1934, il sera fusillé en 1937 dans le camp des Iles Solovki , comme une grande partie de la fine fleur de l’intelligensia ukrainienne lors des grandes purges des années 30 : Kroutchelnytsky, Kossynka, Koulitch..et tant d’autres appartenant à ce qu’on appelle la génération de la renaissance fusillée. Le destin de cet écrivain est en vérité emblématique à plus d’un titre, en ce jour où nous commémorons le 85 em. anniversaire du Holodomor, le génocide par la faim organisé par Staline en 1932-33 pour matter définitivement l’Ukraine et sa paysannerie. Pendant le Holodomor, des Vassurenko, il y en a eu des centaines de milliers, des millions qui ont recueilli dans le dénuement le plus total le dernier souffle de leurs proches, qui ont porté en terre leurs enfants avant de les y suivre dans les jours, les semaines suivantes...des villages, des régions entières se sont tus, les uns après les autres, livrant aux charognards et aux mauvaises herbes une nature jadis si généreuse et tellement bien entretenue... Un chiffre frappe l’entendement : au plus fort de la famine, durant l’hiver 1932-33, 25000 personnes mourraient chaque jour sur la terre d’Ukraine -Imaginez, une ville comme Aix-les-Bains rayée chaque jour de la carte pendant d’interminables semaines... Comme vous le savez, l’Ukraine est à nouveau en guerre, depuis maintenant 3 ans et demi. La guerre alors qu’elle n’a toujours pas fini de se reconstruire après 70 ans de catacombes soviétiques.. une guerre néo-coloniale, voulue par le locataire actuel du Kremlin, héritier assumé du tortionnaire Staline. Si l’on met en perspective les évènements de l’époque avec la situation actuelle en Ukraine et, au-delà, en Europe, des similitudes troublantes apparaissent:
-  dans les années 30, le Holodomor, le génocide ukraine, a été permis entre autres par la faillite de la SDN qui au final refusa de se saisir de l’affaire au motif que l’URSS n’était pas adhérente
-  l’héritière de la SDN, l’ONU, ne peut pas davantage aujourd’hui arrêter l’agression russe en Ukraine en raison du pouvoir de véto dont cette dernière dispose discrétion
-  à l’époque des journalistes minoritaires très complaisants obtenaient des prix Pulitzer en tressant des lauriers au PCUS au mépris du travail courageux de correspondants de presse qui prenaient tous les risque pour faire éclater la vérité.
-  de nos jours, les sites de "réinformation" ou d’informations "alternatives" se multiplient, s’immiscent parfois dans les processus électoraux et menacent de s’infiltrer dans le PAF au nom "du pluralisme des médias."
-  à l’époque E. HErriot pouvait revenir d’Ukraine sans avoir rien vu et en haussant les épaules, selon sa propre expression alors que, depuis quelques temps, le tourisme sécessioniste en Crimée et dans le Donbass fait des émules jusque sur les bancs de notre Assemblée nationale et de notre Sénat.
-  à l’époque c’était une vraie guerre menée par les armes, les déportations et la confiscation des moyens de de subsistance, de nos jours on parle à l’envie d’une guerre hybride qui mêle la subversion, les assassinats ciblés, les attaques terroristes... Le fait qu’il soit à l’heure actuelle toujours aussi difficile de parler du Holodomor, en-dehors de quelques cercles spécialisés, nous amène au constat inéluctable suivant : si l’Ukraine, de nos jours, n’est plus directement menacée de disparition rapide par des moyens génocidaires, depuis 3 ans elle se trouve obligée par des forces extérieures de gérer une catastrophe humanitaire sans précédent sur son territoire depuis la dernière guerre : cette guerre hybride à fait à ce jour près de 10 000 morts, 250 000 blessés, 1.5 millions de déplacés et les perspectives pour les 4 millions de personnes en territoire occupés ne sont guère réjouissantes à l’orée d’un hiver qui s’annonce rigoureux. Et que dire de cette clôture que la Russie est en train de construire pour séparer davantage la Crimée du reste de l’Ukraine ? En 1922-33 le pouvoir soviétique avait cloisonnée pareillement l’Ukraine mourante.. Que dire de la conscription obligatoire imposée aux jeunes Ukrainiens en territoire occupé ? Et des orphelins de Louhansk, de Donetsk ... transférés en toute illégalité en Russie lors du déclenchement des hostilités en 2014 ? Mesdames et Messieurs, chers amis... je vous le dis, il est humainement insupportable que sur la terre qui a vu disparaitre il y a 85 ans autant d’hommes, de femmes et d’enfants en raison de leur ukrainité, les actuelles autorités d’occupation aient entrepris d’inculquer aux enfant ukraniens du Donbass embrigadés comme à l’époque soviétique dans les mouvements pionniers et les jardins d’enfants- la haine de leurs propres concitoyens, de l’autre côté de la ligne de front, et l’admiration de Staline le génocidaire. Vladimir Poutine poursuit inlassablement l’oeuvre de son maître spirituel, comment ne pas le voir ??? A l’époque il était préférable de ne rien voir pour trouver des alliés face à la montée du fascisme ; de nos jours l’opinion internationale ne voit toujours pas mieux les événements dramatiques en Ukraine et ignore superbement le retour en force des populismes, ces populismes souhaités plus que tout par Moscou et qui risque de mener à la ruine la construction européenne qui a demandé tant d’efforts et apportés tant de bénéfices après guerre. Le message universel de la mémoire du Holodomor est encore plus vrai de nos jours : La connaissance et la conscience sont des barrières naturelles contre l’intolérable, l’insupportable, l’inéluctable . Alors écoutez-nous, apprenez et préservez-vous.

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