Tarass et les innocents
N. Lygeros
Tarass : Ne vous agenouillez pas ! Un temps. Restez debout ! Les innocents : Tarass, notre petit Tarass, nous sommes déjà morts. Tarass : Non, ce n’est pas vrai ! C’est impossible ! Les innocents : Regarde les champs de blé... Tarass : Ils ont été fauchés. Mais qu’importe ! Les innocents : Il en est de même pour nous. Tarass : Aucune mort ne peut faucher autant d’innocence. Les innocents : Aucune mort naturelle. Tarass : Il y a différents genres de mort ? Les innocents : Il n’y en a que deux ! Tarass : Lesquels ? Les innocents : Les morts justes et les morts injustes. Tarass : Ce sont donc les secondes qui vous ont emportés. Les innocents : Elles ne nous ont pas emportés. C’est pour cela que nous sommes ici. Elles nous ont ravagés comme le blé. Tarass : Mais pourquoi ? Les innocents : Car la faucille est plus puissante que l’épi. Tarass : Le blé vaincra l’acier. Les innocents : Comment ? Tarass : Je ne deviendrai pas innocent. Les innocents : Mais c’est ta nature. Tarass : Vous ne deviez pas mourir. Les innocents : Nous n’avons pas eu le choix Tarass : Je le volerai ! Les innocents : Mais tu n’es qu’un enfant ! Un temps. Regarde ton ventre. Tarass : Il est rond ! Les innocents : Il n’est pas comme celui des enfants. Tarass : Je ne suis plus un enfant. Mon enfance est morte avec vous. Les innocents : Tu es trop petit. Tarass : Alors je serai trop humain. Les innocents : Que veux-tu dire ? Tarass : Je transformerai mon ventre rond en immense tambour. Les innocents : Tu as perdu la tête ! Tarass : Donnez-moi vos os. Un temps. Je dois sonner le glas. Les innocents : Personne ne t’écoutera ! Tarass : Alors je briserai le silence. Les innocents : Tu parles à des morts. Tarass : Je réveillerai les vivants. Avec moi, l’appel du ventre aura un autre sens ! Les innocents : Lequel ? Tarass : L’appel de l’humanité !