prise de paroles de JD.DURAND - Ajoint à la Culture, à la Mémoire, du Maire de LYON -

lundi 3 décembre 2018.
 

85° anniversaire de Holodomor de 1932-1933 en Ukraine Mémorial de tous les génocides samedi 24 novembre 2018

Monsieur le Président du Comité Ukraine 33, Mykola Cuzin, Madame la représentante de Monsieur le Préfet de Région, Préfet du Rhône, chère Elisabeth Mayeur-Barsacq, Madame la Consule générale de Pologne, Monsieur le conseiller de l’Ambassade d’Ukraine à Paris, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants d’Associations, Mesdames et Messieurs,

Chaque année nous nous recueillons devant le monument dédié à tous les génocides place Antonin Poncet, pour cette fois penser ensemble aux millions de victimes de Holodomor en Ukraine, il y a 85 ans. Holodomor signifie l’extermination d’une population par la famine. Un génocide particulièrement insidieux, pervers, car ses auteurs purent le présenter longtemps comme un concours de circonstances dû à de mauvaises récoltes alors que l’Ukraine était considérée de tout temps comme un véritable grenier à blé. En réalité, dénoncé dès 1935 par Boris Souvarine comme le fruit d’une politique délibérée décidée par Staline, nous disposons aujourd’hui de toutes les preuves de ce crime abominable préparé, organisé et réalisé. C’est la définition que donne le juriste Raphaël Lemkin qui a inventé le mot « génocide » en 1943 : il y a génocide lorsque l’on organise la mise à mort d’une population et qu’il est mis en œuvre grâce à une véritable organisation. Il ne s’agit pas d’un crime de guerre commis dans le feu de l’action, mais d’une politique clairement définie. Cette politique qui consistait à confisquer les récoltes et à les transporter ailleurs en Union soviétique voire à les vendre en Europe, sans rien laisser sur place, fut décidée par Staline, mise en œuvre par le Parti communiste de l’Union soviétique. Elle fut pensée pour punir les paysans rétifs à la collectivisation des terres ; il s’agissait aussi d’une politique russe visant à éradiquer la culture ukrainienne qui déjà au sein de l’empire tsariste entendait montrer sa différence. Lorsque le grand poète Tarass Chevtchenko remit à l’honneur la langue ukrainienne, un décret du ministre russe de l’Intérieur en interdit l’usage en 1863, la déclarant « inexistante ». La politique stalinienne qui s’attaqua aussi aux élites intellectuelles comme au peuple des paysans se situait dans cette continuité.

Il faut se souvenir de cette longue histoire marquée par tant de cruauté pour comprendre la volonté des Ukrainiens d’échapper à l’emprise russe, de rejoindre l’Union Européenne, et même de celle de l’Église orthodoxe de se séparer du patriarcat de Moscou. Les drames du passé permettent de comprendre le conflit qui dure dans l’Est du pays, alors que les millions de morts de 1932-1933 furent remplacés par une population russe, une véritable opération de remplacement, dont on n’en finit pas de payer les conséquences.

C’est là que notre commémoration en ce lieu, prend tout son sens, tout comme la commémoration du génocide des Arméniens, le premier du XX° siècle, ou celui des Tutsis au Rwanda. Il s’agit pour le Maire de Lyon, de réaffirmer l’idéal humaniste de notre ville, sa volonté de résister encore et toujours à l’oppression et à l’injustice. Comment ne pas s’en rappeler lorsque nous avons dans notre perspective, sur la place Bellecour, le Veilleur de Pierre symbole du courage qui rappelle aux passants la lutte de Lyon pour la liberté. Or, le combat contre la haine n’est jamais achevé. La construction européenne est remise en question par un national-souverainisme vivace dans certains pays, qui cache mal des idéologies nationalistes, avec le soutien obscur de la Russie. Rappeler le sacrifice des paysans ukrainiens victimes de la haine et d’une volonté d’annihiler une culture et une identité, dans l’indifférence de l’Occident, est un moyen de dire notre détermination pour promouvoir la paix, la liberté et la justice. Les Ukrainiens y ont droit.

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