L’Holodomor en Ukraine : un crime contre l’humanité ignoré en France.

lundi 24 octobre 2011.
 

par Gilles DUTERTRE

Le 23 Octobre 2008, le Parlement européen reconnaissait « l’Holodomor (famine artificielle de 1932-1933 en Ukraine) comme un crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité » (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2008-0523+0+DOC+XML+V0//FR).

Holodomor (голодомор) est un néologisme ukrainien composé à partir des termes holod (faim) et moryty (faire souffrir, tuer) qui exprime l’extermination par la faim. Il désigne la famine de 1932-1933 en Ukraine, sciemment organisée par Staline et ses acolytes.

La responsabilité des autorités soviétiques, au-delà de la responsabilité personnelle de Staline, dans la genèse et l’ampleur de la famine est aujourd’hui largement reconnue. Elle est due à la collectivisation, aux campagnes de « dékoulakisation », aux réquisitions excessives de denrées alimentaires auprès des paysans et aux limitations des déplacements, imposées en pleine famine. Mais de nombreuses divergences d’analyse persistent entre historiens sur l’importance relative des différents facteurs qui ont engendré la famine, sur les visées réelles de Staline et sur le bilan lui-même (le chiffre de 4 à 5 millions de morts ukrainiens semble être le plus souvent retenu).

Certains font remarquer que l’Ukraine n’a pas été la seule République soviétique à être touchée. Si l’on étudie les statistiques officielles de l’URSS sur l’évolution de la population entre 1926 et 1939, on remarque que la population de l’URSS a augmenté de 16 %, dont + 28 % pour la Russie et + 11 % pour la Biélorussie. Par contre, celle de l’Ukraine a diminué de 10 %. En 1933, la mortalité dans les zones rurales en Ukraine a augmenté jusqu’à...617 % par rapport au même mois de 1932 !

Au plus fort de cette sombre tempête, 17 paysans Ukrainiens mouraient chaque minute, 1 000 à chaque heure, 25 000 chaque jour. Comment accepter qu’au nom du réalisme politique, on taise cette réalité ? Parce que nous voulons que demain ne répète pas les erreurs d’hier, nous avons ce devoir de Mémoire afin que l’Histoire ne se répète pas.

Certains essayent de faire porter la responsabilité au seul Joseph Staline, en oubliant au passage ses collaborateurs zélés, notamment Lazare Kaganovitch (qui est aussi un des cosignataires de l’ordre d’exécution des 25 700 officiers polonais de Katyń) et Viatcheslav Molotov (signataire du pacte Molotov-Ribbentrop à la suite duquel l’Union soviétique a été l’alliée sur le terrain de l’Allemagne nazie pendant 2 ans). Staline et Molotov cosignent la directive secrète du 22 janvier 1933 qui ordonne le blocus de l’Ukraine et du Caucase du nord afin d’empêcher tout déplacement de population, preuve du caractère ethnique du génocide contre les Ukrainiens. Mais, en fait, c’est tout un système criminogène qui est responsable. L’inhumanité atteint son comble lorsque l’on sait que, pendant ces deux années où il affame volontairement toute une population, le gouvernement de l’URSS exportera dix-huit millions de quintaux de blé ! Kaganovitch et Staline

Que penser par ailleurs de ces « idiots utiles » qui ne voient rien ? Que penser du voyage en 1933 au cours duquel Édouard Herriot, ex-Président du Conseil français, se fait berner par les autorités soviétiques qui utilisent des comédiens pour faire de la figuration à la table des banquets qu’on lui offre ? Lesquels comédiens seront fusillés afin qu’ils ne puissent pas témoigner. Édouard Herriot ne se rendra pas compte de la famine qui sévit dans le pays et déclarera n’avoir vu que « des jardins potagers de kolkhozes admirablement irrigués et cultivés » !

Si l’on compare avec la dénonciation des crimes nazis, la France souffre d’une curieuse amnésie quand il s’agit de dénoncer ceux du communisme. Aurait-on imaginé d’ériger une statue d’Hitler à Montpellier en Août 2010, alors que celle de Lénine y a trouvé sa place sans problème ? Que penser de l’omerta qui entoure le film « Katyń » d’Andrzej Wajda, pratiquement pas diffusé en France (distribué uniquement dans 13 salles lors de sa sortie en 2009) ?

Que penser surtout du révisionnisme stalinien d’une Annie Lacroix-Riz, qui, sauf erreur, sévit toujours à Paris VII ? Elle nie même qu’il y ait eu famine, écrivant notamment : « L’URSS a connu en 1932-1933 une sérieuse disette (sic) conduisant à un strict renforcement du rationnement, pas une famine et en tout cas pas une famine à "six millions de morts"... », dénonçant une « opération de propagande » et un « bobard ». Que l’on se souvienne de ce qu’il est advenu de Robert Faurisson, qui avait nié le génocide des Juifs par les nazis et l’existence des chambres à gaz. Mais reconnaître son erreur serait reconnaître que, comme des millions d’autres croyants communistes, elle s’est trompée toute sa vie !

Les crimes d’Hitler sont légitimement l’objet d’un « devoir de mémoire », concept récurrent des politiciens et des journalistes. Mais qu’en est-il des crimes de Staline et de ses comparses ? Deux poids deux mesures hélas ...))))))))